Le 15 janvier 1991, à minuit, tombe l’ultimatum de l’ONU posé à l’Irak. Cet ultimatum a été voté par le Conseil de Sécurité, le 29 novembre 1990, via la résolution 678 et rend légitime l’utilisation de la force contre l’Irak, par les membres des Nations Unies, afin de contraindre militairement les troupes irakiennes à quitter le Koweit, occupé depuis le mois d’août 1990.
C’est le 16 janvier que la France se joint aux forces de l’ONU, et le lendemain, 17 janvier, que débute la phase de préparation aérienne de l’opération « Tempête du désert » (« Desert Storm » en anglais).
Aux cotés des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, de la France, de l’Italie et de l’Espagne, se joignent des pays du Moyen-Orient : Arabie Saoudite, Egypte, Emirats Arabes Unis, Oman, Syrie, Koweït et Bahreïn. La Pologne, la Roumanie, la Suède, la Tchécoslovaquie et Singapour fournissent des hôpitaux de campagne, des unités antichimiques et de décontamination. Ce sont au total 34 pays qui vont participer à la coalition internationale contre le régime Irakien, afin de libérer le Koweït.
L’ANNONCE DE LA GUERRE
Le 15 janvier 1991, un ultime plan de paix et déposé par la France, sans résultat. Dès lors, le conflit est inévitable. Le lendemain, le président François Mitterrand annonce l’engagement des troupes françaises de la force d’intervention Daguet dans le conflit, dans un message lu à l’Assemblée Nationale et au Sénat.
(Texte lu le 16 janvier 1991 à 15h30 à l’Assemblée Nationale et au Sénat)
La France a adopté depuis le 2 août 1990 l’ensemble des résolutions du Conseil de sécurité condamnant l’invasion et l’annexion du Koweït par l’Irak. Elle s’est associée aux démarches entreprises pour que ce dernier se retirât du territoire qu’il occupe en violation de la Charte des Nations Unies. Elle a pris part à l’embargo et envoyé près de 12.000 hommes en Arabie Saoudite et dans la région.
Mais au terme du délai fixé, il nous faut constater, ce matin, 16 janvier, qu’aucune réponse conforme à l’attente des peuples attachés à la défense de la paix, dans le respect du droit, n’a été donnée par les dirigeants irakiens.
L’heure est donc venue pour nous, comme pour tout pays responsable et garant des règles sur lesquelles reposent l’équilibre et la sécurité de la communauté internationale, d’appliquer les principes dont nous nous réclamons. Je le dis avec regret, mais détermination : le recours à la force armée pour contraindre l’Irak à évacuer le Koweït est désormais légitime.
C’est pourquoi j’ordonnerai l’emploi des moyens militaires que commande la participation de notre pays à la mise en oeuvre des résolutions des Nations Unies.
Après avoir entendu le gouvernement, vous aurez à vous prononcer sur ce point, selon la procédure de l’article 49, alinéa 1, de la Constitution.
Au cours de ces derniers mois, je me suis adressé plusieurs fois aux Français pour les tenir au courant de l’évolution de la situation au Moyen Orient et des décisions arrêtées en conséquence, au fur et à mesure de leur nécessité.
Monsieur le Premier ministre, de son côté, par des rencontres organisées avec les représentants des deux Assemblées, vous en a régulièrement informés.
J’affirme hautement que la France n’a rien négligé, et ceci jusqu’au bout, pour parvenir au réglement pacifique de la crise. Elle a multiplié les initiatives en ce sens. Elle ne poursuit pas d’autres objectifs que ceux définis, avec précision, par le Conseil de sécurité et, d’abord, la libération du Koweït. Ce faisant, elle assume le rang, le rôle et les devoirs qui sont les siens et se déclare solidaire du camp du droit contre la politique de l’agression et du fait accompli.
Au moment où, pour la première fois dans l’histoire des nations, s’offre la possibilité de construire un ordre mondial fondé sur la loi commune du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il paraîtrait inconcevable qu’elle s’abstint d’apporter son aide et son concours.
Le peuple français, qui en connaît le prix, hait la guerre. Mais il n’y a en lui aucune faiblesse pour ceux que Jean Jaurès appelait les « fauteurs de conflit ».
La France n’est pas l’ennemie de l’Irak. Malheureusement, pas un signe, pas un mot de Bagdad n’ont permis d’espèrer que l’on s’y soumettrait aux exigences du droit.
Certes la communauté internationale n’a pas toujours su ou voulu respecter ses propres principes, en particulier dans cette région du monde. Je suis de ceux qui le déplorent tout en refusant d’y trouver un alibi à l’inaction. Quoi qu’il en soit, la France continuera de lutter pour que les mêmes principes prévalent partout et non au gré des circonstances.
Je ne doute pas que le Parlement de la république saura exprimer l’unité profonde de la nation dans cette épreuve.
A nos soldats, ainsi qu’à leurs familles qui vont en supporter l’essentiel de la charge, j’adresse, au nom de la France, le témoignage de notre confiance et de notre affection.
L’Assemblée Nationale et le Sénat votent ensuite à une large majorité pour l’engagement des forces françaises, respectivement par 523 voix contre 43 et 2 abstentions et par 290 voix contre 25.
Le soir, le Président s’adresse à la Nation, en direct sur toutes les chaînes de télévision.
(Palais de l’Elysée, le 16 janvier 1991 à 20h)
Françaises, Français, mes chers Compatriotes,
Lorsque je vous ai adressé mes voeux le 31 décembre, je ne vous ai pas caché la gravité de la situation créée par le refus obstiné de l’Irak d’évacuer le Koweït et de respecter le droit international qu’il avait approuvé, comme nous, en signant la Charte des Nations Unies. Je vous ai dit alors quels étaient les devoirs de la France, quelles propositions nous avions faites en son nom, notre action au Conseil de sécurité et ailleurs, pourquoi nous avions appliqué les résolutions des Nations Unies, notamment par l’envoi d’une force armée dans la région du Golfe. Je vous ai dit aussi que rien ne serait négligé par la France pour tenter de sauver la paix.
Or, depuis ce matin, la crise internationale est entrée dans une phase décisive. Le délai accordé par les Nations Unies à la réflexion, et autant que possible au dialogue entre ceux qui pouvaient infléchir le destin est maintenant dépassé. Sauf évènement imprévu, donc improbable, les armes vont parler. Comme je m’y étais engagé, tout ce qu’il était raisonnable d’entreprendre pour la paix l’a été. Hier encore, tout le long de la journée nous sont arrivés de partout, de la plupart des pays d’Europe, du monde arabe, de l’immense majorité des pays neutres, de plusieurs pays d’Amérique, les encouragements, les soutiens pour notre ultime initiative auprès des Nations Unies, appelée par beaucoup le « plan de paix français ». Hélas ! Comme je l’ai déclaré, il y a quelques heures, dans mon message au Parlement, pas un mot, pas un signe n’est venu de l’Irak qui aurait permis d’espérer que la paix, au bout du compte, l’emporterait.
Vive la France !
Puisqu’il en est ainsi, je vous demande, mes chers compatriotes, de faire bloc autour de nos soldats et pour les idéaux qui inspirent notre action. Il y faudra du courage, de la clairvoyance, de la persévérance.
Du courage, cela va de soi. La guerre exige beaucoup d’un peuple, nous le savons d’expérience. Même si n’est pas en jeu notre existence nationale, même si les 12 000 des nôtres qui prendront part sur le terrain aux opérations militaires ont choisi le métier des armes, c’est la nation tout entière qui doit se sentir engagée, solidaire de leurs efforts et de leurs sacrifices. C’est la France tout entière qui doit les entourer de sa confiance et de son affection.
De la clairvoyance. Les résolutions adoptées par les Nations Unies, que nous avons votées, représentant à mes yeux la garantie suprême d’un ordre mondial fondé sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. De ce droit, nous avons le plus grand besoin. Nos libertés, notre indépendance, notre sécurité sont à ce prix. Il faut que vous en soyez sûr : protéger le droit dans le Golfe, au Moyen-Orient, aussi loin de nous qu’ils semblent sur une carte de géographie, c’est protéger notre pays. Ne laissons jamais à la loi du plus fort le soin de gouverner le monde. Un jour ou l’autre elle s’installerait chez nous.
De la persévérance. Nous traverserons cette épreuve sans haine pour personne, sans jamais perdre espoir, sans oublier que viendra nécessairement le jour où les peuples aujourd’hui divisés devront se retrouver en gardant toujours à l’esprit que l’ordre des nations l’emportera sur la violence.
A quelque moment que ce soit nous répondrons à tout appel, nous saisirons toute occasion qui rendra ses chances à la paix dans le respect du droit. Comme elle aura été présente dans la guerre, la France, écoutée, respectée de tous côtés, je vous l’assure, sera présente au rendez-vous quand le dialogue reprendra pour mettre, enfin, un terme aux déchirements du Moyen-Orient. Nous savons bien que, le Koweït évacué, rien ne sera réglé au fond tant qu’une conférence internationale ne se sera pas attachée à résoudre par la négociation les graves problèmes de cette région, c’est-à-dire tout ce qui tourne autour du conflit israélo-arabe, sans oublier le drame libanais et les Palestiniens.
Tout repose désormais sur les soldats des vingt-neuf nations alliées dont les forces sont en place dans le Golfe et pour ce qui nous concerne, sur notre cohésion nationale. La patrie fera face aux heures difficiles qui s’annoncent en préservant son unité.
Je compte sur vous tous !
Vive la République !
Aux Etats-Unis, le porte-parole de la Maison Blanche annonce le début des hostilités.
(Texte lu le 16 janvier 1991 à 0h14 GMT à la Maison Blanche)
La libération du Koweït a commencé.
En liaison avec les forces de nos partenaires de la coalition, les Etats-Unis ont entrepris, sous le nom de code « Opération Tempête du désert », d’appliquer les mandats du Conseil de sécurité des Nations Unies.
A 19h Eastern Standard Time (0h00 GMT), les forces de « l’Opération Tempête du désert » étaient engagées contre des objectifs au Koweït en Irak. Le président Bush s’adressera à la nation ce soir, à 21h, depuis le Bureau ovale. Nous nous efforcerons de vous en dire plus dès que nous le pourrons.
Merci beaucoup.
PREMIÈRES FRAPPES
Les premières frappes ont lieu dans la nuit du 16 au 17 janvier. La chaîne d’information en continu américaine CNN diffuse en direct les comptes rendus de ses envoyés spéciaux sur place. Les pertes alliées sont faibles et les frappes semblent efficaces et ciblées sur la destruction des moyens de communication, des ministères stratégiques, des quartiers généraux de l’armée, ainsi que sur les aéroports. L’aviation française est engagée sur des cibles au Koweït.
Saddam Hussein fait une allocution :
(Texte lu le 17 janvier 1991 à 4h15 GMT par un présentateur sur Radio-Bagdad)
O grand peuple irakien,
O fils de notre glorieuse nation arabe,
O membres courageux de nos glorieuses forces armées,
O gens, où que vous soyez, dans votre détermination à affronter le Mal et ses auteurs, les mécréants, leurs serviteurs et leurs alliés,
A 2h30 dans la nuit du 16 au 17 janvier 1991, les lâches ont attaqué par traîtrise, et le Satan Bush a commis son crime, lui et le sionisme criminel, et la grande confrontation, la mère de toutes les batailles, a commencé entre le Droit qui vaincra avec l’aide de Dieu et le Mal qui reculera si Dieu le veut.
Vos fils et vos frères vaillants, descendants de Mahomet et des prophètes, descendants des croyants qui ont porté le flambeau de l’islam, celui qui a illuminé et guidé l’Humanité, les attendaient de pied ferme, et Dieu les a aidés.
Les criminels ont échoué, Fahd (roi d’Arabie Saoudite), le traître des lieux saints, traître de la nation arabe et de la nation islamique, qui sera perdant aussi bien ici-bas qu’au jour du Jugement dernier, n’est hélas qu’un criminel, un traître perfide.
Dieu est avec nous, mes frères, car il est avec les croyants et les ménera inéluctablement à la victoire.
Avec le début de l’affrontement et la résistance des croyants, le jour du salut de la nation se rapproche, celui où les trônes des traîtres fondés sur la corruption tomberont, quand la volonté du Satan de la Maison Blanche et celle du nid de guêpes des criminels de Tel-Aviv sera brisée.
La chère Palestine et ses fils combattants et patients seront libérés, le Golan et le Liban seront libérés, les Arabes seront libres sur leurs terres, et les peuples seront libres partout où ils ont été opprimés.
Dieu est grand !
Dieu est grand !
Dieu est grand !
Dans les pays de la coalition, les dirigeants annoncent tour à tour à leurs concitoyens leur engagement dans la guerre. L’Irak ripostera le 18 janvier par des tirs de missiles sur Israel.